29 septembre, 2021
Nick K. était impatient de retourner au bureau. Après avoir travaillé à domicile pendant environ un an et demi, la camaraderie qu'il avait avec ses collègues de l’université de l’Ohio, où il travaille comme coordinateur des communications, lui manquait. Il attendait avec impatience de pouvoir se mêler à nouveau aux étudiants et au personnel.
Mais son enthousiasme s'est rapidement estompé lorsque la réalité du retour au travail de bureau s'est avérée bien différente de ce qu'il attendait.
Pour éviter de contracter le COVID-19, il s'est retrouvé enfermé dans une pièce sans fenêtre et au mur en parpaing apparent - son bureau temporaire - et a assisté à la plupart de ses réunions via Zoom.
"C'est vraiment une déception", déclare-t-il.
Alors que de nombreux employés reprennent le chemin du bureau, ceux-ci sont confrontés à une étrange réalité : ils passent encore la plupart de leur temps isolés et rivés à leur ordinateur pour des réunions Zoom, des e-mails et sur la plateforme de communication Slack.
Comme de plus en plus d'entreprises mettent en place des options de travail hybride permanent - dans lesquelles certains employés travaillent à domicile et d'autres au bureau - la nature virtuelle du travail pourrait bien survivre à la pandémie. Et avec elle, les étrangetés de cette nouvelle organisation de travail.
"Il y a un paradoxe", déclare Brian Kropp, chef de la recherche sur les RH pour le cabinet d'études Gartner. "Nous voulons que tout le monde revienne au bureau, mais nous voulons toujours que tout le monde fasse son travail par vidéo".
La façon dont les gens travaillent dans les bureaux aujourd'hui ne ressemble plus à ce qu'elle était avant la pandémie. Et la technologie qui a permis à de nombreux employés de travailler à domicile les a suivi au bureau, de la vidéoconférence aux services de messagerie et aux plateforme de travail collaboratif.
Les derniers résultats de la société Zoom suggèrent que la vidéoconférence reste très demandée malgré la réouverture des bureaux. Au cours du deuxième trimestre, la société a annoncé que son chiffre d'affaires avait augmenté de 54 % par rapport à l'année précédente, pour atteindre 1,02 milliard de dollars. Zoom a enregistré son premier trimestre de revenus d'un milliard de dollars et compte plus de 504 000 clients utilisant son service.
"Les réunions de vente sont passées des salles de conférence à Slack et à Zoom", a noté Bret Taylor, président et directeur de l'exploitation de Salesforce, lors d'une récente conférence en ligne. Salesforce a récemment acquis Slack pour 27,7 milliards de dollars.
Alphabet, la société mère de Google, a déclaré lors d’une récente conférence que son offre d'outils professionnels appelée Google Workspace, qui comprend Gmail, Google Docs et le service de vidéoconférence Google Meet, "continue d'afficher une forte croissance".
Emily Wagner, responsable à la Summit Educational Group à Newton, dans le Massachusetts, a comparé sa collaboration au bureau à une communication à la manière des chiens de prairie.
De temps en temps, elle et ses collègues sortent de leur bureau pour se parler de l'autre côté de la pièce. Mais la majorité du temps, elle est en visioconférence avec son équipe, qui vient à des jours différents pour des raisons de protocole sanitaire.
Au-delà de l'expérience bizarre que cela représente, Mme Wagner explique que le plus gros problème est que deux personnes du bureau à portée de voix participent au même appel Zoom. Si les deux personnes ont leurs microphones allumés, le son ambiant crée un écho sur l'appel. La seule façon de résoudre ce problème est de s'assurer que les autres personnes à proximité n'ont pas leur micro allumé en même temps.
"C'est un véritable cauchemar", dit-elle. "Ça m'a rendue folle la première fois que j'y ai été confrontée. Je me disais : "C'est horrible ! Pourquoi est-ce qu'on fait ça ?"
L'écho redouté de la vidéoconférence est une plainte courante parmi les employés de retour au bureau. Une employée, qui travaille dans un système d'éducation publique de l'Illinois et s'est exprimée sous couvert d'anonymat pour éviter tout conflit avec son employeur, a déclaré avoir le même problème sur Microsoft Teams et Google Meet. La technologie est à l'origine de nombreuses frustrations, notamment les coupures d'Internet au bureau, en raison du volume de personnes en appels vidéo en même temps.
Travailler au bureau lui semble essentiellement la même chose que ce qu'elle faisait à la maison. La plus grande socialisation qu'elle obtient au travail est un "bonjour" occasionnel si elle croise un collègue dans le couloir, dit-elle.
"On s'assure toujours que les gens ont une distance sociale et ne sont pas tous entassés dans une salle de conférence", a-t-elle déclaré au sujet de son employeur, tout en reconnaissant que la procédure est logique du point de vue de la prévention sanitaire. Elle a ajouté qu'il était dans les faits inutile d'être présent au bureau.
Certains employés sont présents au bureau de leur plein gré. Harlan Crystal, cofondateur et directeur technique de la société de jeux mobiles Pocket Gems, est retourné dans son bureau de San Francisco en mai, environ un mois après que la société a ouvert ses bureaux aux salariés qui souhaitaient y retourner. Pour lui, le retour au bureau lui a permis de se mettre dans un état d'esprit où il pouvait mieux se concentrer. Cela l'a également aidé à mieux séparer sa vie professionnelle et sa vie privée.
Mais il dit que l'environnement de travail hybride de Pocket Gems a été "désordonné". Lorsque les équipes organisent des réunions Zoom, les quelques personnes présentes au bureau se réunissent dans une salle de conférence et rejoignent la réunion en tant que groupe via une caméra. En conséquence, les participants à l'appel ont du mal à lire les émotions et les réactions des personnes qui les rejoignent depuis la salle de conférence, car leurs visages sont trop petits, explique Crystal. Et si des employés en télétravail partagent leur écran sur Zoom, les employés au bureau trouvent les images à faible résolution presque impossibles à lire, étant donné qu'ils regardent la présentation via un projecteur dans la salle.
"On a plus l'impression d'aller chez Starbucks et d'y travailler", a-t-il déclaré. "Vous allez dans un lieu partagé, mais la plupart des personnes avec lesquelles vous travaillez directement ne sont pas là avec vous."
L’organisation hybride est là pour durer. Ce changement pourrait être plus perturbateur que le passage au travail à distance.
Gerry Martini, directeur associé des admissions au Graduate Center de la City University of New York, a déclaré que le manque d'interaction en personne au bureau avec ses collègues et les futurs étudiants lui fait redouter de s’y rendre deux jours par semaine. Ce directeur fait 40 minutes de trajet aller-retour en métro, pour se présenter au bureau et faire la plupart de ses interactions en ligne. Pendant ce temps, la cafétéria et le café de son immeuble sont fermés, ce qui lui laisse peu d'occasions d'avoir des conversations spontanées.
"J'ai hâte de retourner sur le campus et de pouvoir faire de vraies activités sur le campus", a déclaré M. Martini. "Ce genre de choses ne se produit pas actuellement".
M. Martini pense que lui et ses collègues ont été renvoyés au travail principalement pour des raisons économiques.
"Il y a une perception selon laquelle nous devrions retourner au travail parce que c'est bon pour la ville plutôt que pour l'employé", a-t-il dit.
Matt, un développeur web dans une université du New Jersey, a déclaré qu'en retournant au bureau pour être sur Zoom, il est difficile de savoir qui est disponible ou occupé. Avant la pandémie, il était facile de savoir si les gens étaient occupés lors d'une réunion, car ils étaient tous réunis dans la même pièce. Il n'a pas encore trouvé la meilleure façon de résoudre ce problème.
"Lorsque tout le monde fait de la visioconférence depuis son bureau, il est impossible de dire qui est en réunion", a-t-il déclaré. "C'est très bizarre".
Les employés qui retournent au bureau doivent être préparés à certaines choses : ils doivent se munir d'un bon casque antibruit ou d'écouteurs, et se préparer à l'isolement.
Pour Nick, le fait de venir travailler au bureau pour faire la même chose qu'à la maison peut se résumer ainsi : "C'est surréaliste".
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