Télétravail : quel remboursement des frais a été mis en place par les entreprises en France ?

01 février, 2021


remboursement frais télétravail

 

Témoignages d’employés en télétravail :

 

« Mon employeur refuse de mettre la main à la poche. Pour être en télétravail, nous avons même été dans l’obligation de signer un avenant où nous devions renoncer à être remboursé ».

 

« J’ai dû m’acheter une chaise de bureau car le mobilier de mon domicile n’est pas adapté au télétravail de longue durée et entraînait un mal de dos. Mon employeur ne prend aucun frais en charge. »

 

« Malgré l’utilisation de mon imprimante, de mon papier, de mes cartouches d’encre, de frais de timbres et d’une augmentation de la facture d’EDF, je n’ai perçu aucune indemnisation ! »

 

Des salariés s’en sortent mieux. Souvent, il s’agit de personnes employées dans de grands groupes.

 

Par exemple que Thalès prend en charge le remboursement des frais internet sur présentation d’une facture jusqu’à un montant de 38 euros.

 

Cela concerne souvent ceux qui étaient déjà en télétravail avant le confinement, et dont la pratique est mieux encadrée.

 

« Je suis en télétravail continuellement à mon domicile. J’ai 15 euros d’indemnités pour occupation des locaux, 20 euros pour les frais internet, et 41,67 euros de prime télétravail »

 

Pourquoi cette extrême diversité des pratiques des entreprises ?

 

L’explication est simple : il y a un flou juridique. Avant 2017, tout était (relativement) clair. L’article 1222-10 du Code du travail précisait en effet que « l’employeur [était] tenu à l’égard du salarié en télétravail (…) de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail ». Mais les ordonnances Macron sont passées par là et ont supprimé cette disposition.

 

La jurisprudence en faveur des salariés

 

De nombreux employeurs s’appuient donc sur cette évolution législative pour refuser d’ouvrir leur porte-monnaie. Mais ils n’ont pas forcément raison, prévient Nicolas Perrault, avocat et ancien bâtonnier du barreau de Versailles : « L’employeur doit fournir les outils de travail au salarié afin que celui-ci puisse accomplir sa tâche. C’est un principe essentiel. Cela signifie également que l’employeur doit rembourser au salarié les frais qu’il a engagés dans le cadre de son travail. Peu importe que l’on soit ou non dans une période exceptionnelle. »

 

Autrement dit, même en temps de pandémie, les salariés placés en télétravail du jour au lendemain restent tout à fait fondés à demander le remboursement de certains frais : « il peut s’agir d’un abonnement internet, d’un forfait téléphonique ou encore de l’achat de fournitures de bureau (encre, papier). La jurisprudence est constante sur ce point » explique à 20 Minutes Valérie Duez-Ruff, avocate au barreau de Paris. Les salariés peuvent notamment s’appuyer sur cet arrêt de 2010 de la chambre sociale de la Cour de cassation qui indique que « les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due ».

 

Le flou des frais

 

Reste évidemment à définir précisément le périmètre. Si le papier ou l’encre peuvent sembler évidents, faut-il par exemple, comme le souhaitent certains employés, inclure une partie de la facture d’électricité ou de gaz ?

 

Pour Nicolas Perrault, « comme le télétravail s’exerce, pour beaucoup d’entreprises, dans des circonstances particulières liées à la pandémie, il n’y a pas d’obligation absolue de prendre en charge les dépenses liées au logement. »

 

Néanmoins, poursuit-il, « le télétravail va sûrement perdurer ces prochaines années. Avec moins de salariés présents en même temps dans les bureaux, les entreprises pourront donc réduire leurs surfaces, et ainsi réaliser des économies. Il paraîtrait donc normal qu’il y ait une compensation envers les salariés en télétravail ».

 

Pour simplifier la vie des entreprises et éviter au salarié de garder ses moindres factures, l’Urssaf a mis en ligne un barème indicatif. Il autorise les employeurs à verser une allocation de télétravail pouvant aller jusqu’à 50 euros par mois et par salarié, exonérés de cotisations sociales. Seul bémol : le télétravail doit être encadré par une convention ou un accord collectif dans l’entreprise, ce qui n’est pas toujours le cas.

 

Voilà pour la théorie. En réalité, peu de salariés vont saisir les prud’hommes pour obtenir un remboursement. « La crainte de perdre son emploi peut freiner l’ardeur de certains à revendiquer des frais plus marginaux » reconnaît Nicolas Perrault.

 

Le dernier accord national sur le télétravail conclu en novembre dernier reste très vague sur la question des frais. Non contraignant, le texte se borne à rappeler la nécessité pour l’employeur de couvrir les frais professionnels, sans plus de précisions. « On ne peut plus se contenter de la jurisprudence, plaide Nicolas Perrault. Il faut un cadre, une loi, pour permettre à ceux qui ne sont pas en position de force d’être aidés ».

 

Et les frais de transport ?

 

Pour les frais de transport, l’article L1222-9 du Code du travail stipule que « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise ». Ainsi, un salarié en télétravail pourra bénéficier de la prise en charge légale à hauteur de 50% de son abonnement de transport. Évidemment, le salarié placé en télétravail à 100% pour cause de covid-19, qui n’utilise plus son abonnement de transport pour se rendre sur son lieu de travail ne pourra pas exiger le maintien de cette prise en charge. Hormis s’il dispose d’un abonnement annuel en cours, qui devrait être pris en charge de manière automatique.

 

Cet article L1222-9 du Code du travail est applicable également pour les tickets restaurants. Le salarié en télétravail pourra en bénéficier au même titre que les travailleurs qui exercent en présentiel. En revanche rien n’est prévu dans les textes pour le cas des salariés bénéficiant habituellement de cantines d’entreprise.

 

Le cas particulier de l’indemnité d’occupation du domicile

 

Dans certains cas, cette allocation forfaitaire peut comprendre une indemnité d’occupation du domicile. En temps normal, “si le salarié est placé en télétravail à la demande de l’employeur et si aucun local professionnel n’est mis à sa disposition, il doit être indemnisé pour l’occupation de son domicile”, explique Guillaume Turpin, avocat au sein du cabinet FTMS. Et ce, même si aucun accord ou charte d’entreprise ne le prévoit. Le montant de cette indemnité n’est pas fixé par la loi, car il dépend de plusieurs facteurs, et notamment de la proportion du logement occupée par le salarié pour son “bureau à domicile”. Mais de manière générale, cette indemnité se compte en plusieurs dizaines d’euros par mois.

 

Sauf que dans le contexte actuel de crise sanitaire, l’employeur a bien un local à mettre à disposition de ses salariés, mais il est fortement incité par le gouvernement à avoir recours au télétravail durant le confinement. “Ce n’est donc pas vraiment du fait de l’employeur si ses salariés sont placés en télétravail. Il serait donc malvenu de juger que l’employeur est redevable d’une indemnité d’occupation”, analyse Sabrina Kemel, avocate au sein du cabinet FTMS. Et en cas d’accord ou de charte d’entreprise, il faut bien se renseigner et en analyser les termes car certains textes “excluent le versement d’une indemnité d’occupation en cas de pandémie”, ajoute l’avocate.

 

Comment verser l’indemnisation du télétravail ?

 

En fonction de la nature des dépenses, il peut s’agir d’une quote-part ou d’un remboursement de la totalité sur justificatif.

 

L’employeur a deux options : mettre en place un remboursement sur facture, ou mettre en place un forfait par mois par salarié

 

Cette dernière option est la plus répandue dans les entreprises.

 

Surtout depuis fin 2019 avec la mise en place d’un barème visant à simplifier, pour les entreprises, le remboursement des frais professionnels engagés par les salariés en télétravail.

 

La somme est exonérée de charges sociales dans la limite globale de 10 euros par mois si le salarié effectue une journée de télétravail par semaine, limite de 20 euros par mois pour un salarié qui télétravaille deux jours par semaine ; 30 euros par mois pour trois jours télétravaillé par semaine, etc.

 

Si ces limites sont respectées, il n’est donc plus nécessaire pour le salarié de fournir à son entreprise des justificatifs de frais.

 

La plupart des entreprises ont mis en place ce forfait mensuel. Cela évite des situations conflictuelles et de s’exposer à des redressements.

 

La question des indemnités télétravail est complexe, car elle va dépendre de chaque entreprise et de sa maturité sur la question du télétravail.

 

Si le télétravail est régulier, n’oubliez pas d’ajouter dans vos accords ou la charte télétravail, une mention sur les frais pris en charge. N’indiquez jamais que vous ne prenez aucuns frais en compte et que tout est à la charge de votre salarié. Vous seriez dans l’illégalité.