29 octobre, 2020
Quand un manager est à côté de la plaque, c’est la quantité brute de travail de ses équipes et non la qualité du travail qui est évaluée.
Pour un bon manager c’est la qualité du résultat qui compte, pas le présentéisme des employés et le fait de brasser de l’air pour donner l’impression d’être très actif.
Un bon manager sait organiser des réunions courtes et efficaces. Un très mauvais manager fait de longs discours en parlant de façon très vague, tout ça pour se donner de l’importance en accaparant le temps des autres membres de l’équipe.
Les logiciels de surveillance
Depuis le confinement de nombreuses entreprises ont fait installer à leurs salariés le logiciel Hubstaff, qui calcule une sorte de «temps effectif d’activité» en enregistrant leurs mouvements de souris. Nombreux sont les salariés qui en subissent au moins un effet indésirable : une surveillance accrue.
«C’est super stressant, tous les matins on reçoit un rapport d’activité. J’arrive rarement à dépasser les 50 % de temps de travail effectif», soupire Marine. Le logiciel de surveillance Hubstaff a vu son utilisation tripler depuis le début de la crise sanitaire. Si la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) n’a pas émis d’avis sur l’utilisation de ce logiciel en particulier, elle reconnaît comme illicites - sauf circonstances exceptionnelles - les «keyloggers» qui permettent d’enregistrer à distance toutes les actions accomplies sur un ordinateur.
Dans sa version originale, Hubstaff prend également des captures d’écran à intervalles aléatoires et géolocalise les employés avant d’envoyer le tout, sous forme de rapport journalier, à leurs managers. Ces deux options auraient, a priori, été désactivées par l’employeur de Marine, mais cela ne l’empêche en rien de se sentir «traquée». «Je ne peux pas prendre cinq minutes pour lire un article ou aller sur Twitter, toutes mes tâches sont chronométrées», déplore la jeune analyste. Elle craint que son entreprise continue d’utiliser le logiciel lorsqu’elle sera de retour au bureau, «ce qui m’obligera à faire sept heures de travail effectif par jour. Fini les pauses-café ou les discussions avec les collègues…»
Une fois l’employé travaillant de chez lui, certains patrons l’imaginent affalé devant sa télévision. «Au début, mon boss m’appelait toutes les heures pour vérifier que j’étais bien en train de travailler. Parfois, il me rajoutait tellement de choses à faire que je devais sauter le déjeuner, expose Cyril, économiste dans une entreprise de consulting. Il se sentait floué et pensait que comme je n’étais pas au bureau, je me tournais les pouces. Pour moi, c’était infantilisant et frustrant.»
A chaque métier son moyen de surveillance. Eric est professeur d’histoire de l’art et de design pour un groupe d’enseignement privé.
Depuis le début du confinement, il donne ses cours en visioconférence : «Très tôt, les directions pédagogiques ont assisté à nos cours en vidéo, sans forcément nous prévenir. Ils profitent de ces nouveaux outils pour vérifier comment se déroulent nos leçons. J’ai senti leur volonté d’avoir un contrôle plus marqué.» Après des plaintes, les employeurs d’Eric ont arrêté de se connecter à ses classes. Mais il s’inquiète : «Le télétravail donne des idées à mes employeurs, comme réduire le nombre de cours en présentiel, les enregistrer ou les diffuser en direct, avec pour projet de supprimer des postes.»
Coralie, qui travaille à Montpellier dans le secteur bancaire, prévient : «Quand on est informaticienne, on sait que tout est traçable.» Elle et ses collègues ont fait face à une charge de travail deux fois plus importante lorsqu’il a fallu gérer la mise en place du travail à distance pour toute son entreprise. «En parallèle, on a vu fleurir un nombre de réunions assez insupportable. Elles se tiennent sur Skype, pour vérifier qu’on est bien connectés.» Rapidement, son emploi du temps est envahi par les réunions - rebaptisées «cérémonies» par sa boîte… Résultat, certains de ses collègues rattrapent le temps perdu en travaillant parfois jusqu’à 22 heures.
Le droit à la déconnexion a pourtant fait son entrée dans le code du travail en 2016. «80 % des salariés déclarent qu’il n’est pas appliqué pour eux alors que c’est une obligation légale», explique Sophie Binet, secrétaire générale adjointe de la CGT des cadres et techniciens, qui a travaillé sur l’enquête de l’Ugict-CGT, «Le travail sous épidémie».
Le travail à la maison s’accompagne d’une «pression à la disponibilité» et d'une sensation d’être observé en permanence. Cela survient par exemple lorsqu’on utilise des espaces numériques partagés, où chacun peut regarder ce qui est fait. On a le sentiment d’être surveillé constamment, même si souvent la surveillance est en réalité discontinue.
Ces pratiques de surveillance du télétravail sont-elles conformes à la loi ? «Il y a deux critères pour que la mise en place d’un outil de surveillance soit légale : la proportionnalité et l’information préalable. Il faut que la surveillance soit justifiée et que l’employé soit prévenu, en général par le règlement intérieur de l’entreprise», explique Nicolas Arpagian, auteur de la Cybersécurité (Presses universitaires de France).
Lui ne croit pas à une généralisation de la surveillance, qu’il perçoit plutôt comme l’échec et la paranoïa de certains managers : «Techniquement, c’est faisable. Juridiquement, c’est très encadré, mais la vraie question c’est : pour faire quoi ? Une fois que vous captez ces informations, encore faut-il pouvoir les analyser», prévient-il en imaginant un employeur désemparé face à des milliers de photos webcam de ses employés…
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